Une politique étrangère féministe ? « Nous serons ignorés, moqués, combattus, puis nous gagnerons. »

La Suède est le premier pays au monde à disposer d’une politique étrangère dite féministe. La ministre Margot Wallström en a expliqué le principe : « Je suis en faveur de l’instauration de quotas à court terme afin de s’attaquer à la discrimination profondément ancrée. »

  • cc Socialdemokraterna (CC BY-NC-ND 2.0) Margot Wallström : « Nous ne pouvons pas aider les femmes et les jeunes filles si nous ne joignons pas nos forces aux leurs. » cc Socialdemokraterna (CC BY-NC-ND 2.0)

Margot Wallström est un visage familier à Bruxelles. Elle a été Commissaire européenne à l’environnement (1999-2004), et vice-présidente de la Commission européenne et commissaire responsable des relations institutionnelles et de la stratégie de la communication (2014-2010). Elle a ensuite été Représentante spéciale pour la violence sexuelle dans les conflits armés auprès du Secrétaire général des Nations unies. Depuis octobre 2014, elle est la ministre suédoise des Affaires étrangères.

Lorsque le nouveau gouvernement suédois a présenté sa nouvelle politique féministe en 2014, il s’est heurté à des réactions mitigées. Mme Wallström a rappelé un processus qu’aurait décrit Gandhi : « Nous serons ignorés, moqués, combattus, puis nous gagnerons ».

Une question de vie ou de mort

Pour arriver à la victoire, il est important que chacun soit conscient qu’une politique féministe n’est pas une stratégie de branding. Ce n’est pas non plus une politique qui ne concerne que les femmes. « Il s’agit d’une question de vie ou de mort pour le développement durable, la paix et la sécurité dans le monde. En effet, le système international tel que nous le connaissons n’est pas parvenu à garantir la paix et la sécurité pour les hommes. Ainsi, nous avons aujourd’hui affaire à un mouvement comme l’EI (Daech), qui se base sur une théologie du viol. »

 « Le féminisme est une question de vie ou de mort pour le développement durable, la paix et la sécurité dans le monde. »

Mme Wallström se concentre sur trois points en particulier afin de mettre en pratique sa politique féministe : Rights, Representation et Resources. Le ministère suédois a repris les droits de l’Homme, la représentation égale des femmes à tous les niveaux de pouvoir et la mise à disposition de ressources suffisantes pour instaurer ces changements dans un plan d’action s’étalant entre 2015 et 2018. Chaque année, un certain nombre de champs d’action prioritaires sont fixés.

En 2016, l’accent est par exemple mis sur le « renforcement des droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles dans le cadre d’une crise humanitaire », « la promotion du rôle des femmes dans les processus et les opérations de paix » et « l’impact positif des femmes et des jeunes filles sur le plan social, économique et écologique dans une optique de développement durable. »

Chacun de ces points donne lieu à des actions concrètes et à la création d’indicateurs — comme l’exige une politique transparente et efficace.

Des pratiques moyenâgeuses

Son expérience en tant que Représentante spéciale pour la violence sexuelle dans les conflits armés a visiblement beaucoup marqué Mme Wallström. Convaincue de la nécessité d’une politique étrangère féministe, elle étaye son discours en rappelant régulièrement les terribles situations des femmes et des jeunes filles vivant dans des zones de conflits. « Il ne faut pas s’attendre à ce que des négociations mènent à une paix durable lorsque les femmes sont exclues de la discussion dans les deux camps ».

Jusqu’où la Suède est-elle prête à aller pour mener à bien sa politique féministe dans un monde tout sauf prêt à embrasser le féminisme ?

Lorsque nous lui demandons si sa politique, plutôt idéaliste que pragmatique, peut vraiment améliorer la vie des femmes, Mme Wallström n’attend pas la fin de la question pour souligner que sa politique féministe est « tout sauf idéaliste ». « Nous apparentons notre politique au smart power, une approche qui se situe entre le soft power et le hard power, mais qui vise un effet réel. Notre point de départ n’est pas un ensemble de mesures que tout le monde doit appliquer mais une analyse claire du monde et de ses inégalités. Sur cette base, nous avons défini les trois points fondamentaux de notre politique pour l’égalité des sexes, avec pour objectif final l’avènement d’un monde meilleur et plus sûr. »

La détermination de la ministre suédoise n’est pas appréciée par tout le monde dans le milieu des relations internationales. Il y a un an, Mme Wallström a dénoncé l’oppression subie par les femmes en Arabie Saoudite et la condamnation du blogger Raif Badawi à mille coups de fouet — ce que Mme Wallström n’a pas hésité à qualifier de « pratiques moyenâgeuses ». L’Arabie Saoudite a rappelé son ambassadeur à Stockholm, elle a empêché Mme Wallström de prononcer un discours devant Ligue arabe et elle a mis fin à son accord de coopération militaire avec la Suède — ce qui risquait de mettre en péril un contrat de vente d’armes s’élevant à un milliard d’euros.

Jusqu’où la Suède est-elle prête à aller pour mener à bien sa politique féministe dans un monde tout sauf prêt à embrasser le féminisme ? Mme Wallström : « Les contacts diplomatiques ont été entre-temps rétablis et le contrat en question est maintenu. Cependant, ce genre de tensions ne doit pas nous empêcher de mettre en œuvre une politique étrangère forte. Nous sommes également en train de réformer la politique de la vente d’armes afin que les institutions démocratiques aient elles aussi l’obligation de remplir certaines conditions. »

Faire le ménage

Ce ne sont pas que les autres qui ont encore beaucoup de boulot sur la planche en matière d’égalité des sexes, l’Europe a elle aussi du chemin à faire. « Au Conseil européen des Relations étrangères, on ne dénombre que trois femmes parmi les 28 ministres présents autour de la table. En Europe aussi, il y a bien trop peu de femmes dans des postes à hautes responsabilités. Nous devons d’abord balayer devant notre porte avant de plaider pour davantage d’égalité dans le reste du monde. »

Un lien a été établi entre l’augmentation dramatique du nombre de viols en Suède et la présence accrue de migrants et de réfugiés dans le pays. « Non, il n’en est rien », rétorque Mme Wallström.

Balayer devant sa porte, vous dites ? L’année passée, la presse britannique faisait état de l’augmentation dramatique du nombre de viols en Suède — elle imputait l’augmentation dramatique du nombre de viols en Suède à la présence accrue de migrants et de réfugiés dans le pays. Cette histoire tient-elle la route ? « Non, il n’en est rien, rétorque Mme Wallström, nous rejetons toutes les allégations du Daily Mail. »

Vous combattez les violences sexuelles commises dans le monde entier, vous devez donc être sûre de vous pour nier en bloc ces histoires sur la Suède, n’est-ce pas ? « Il est clair que l’histoire et la campagne du Daily Mail ne correspondent pas aux chiffres dont nous disposons. L’arrivée soudaine d’autant de jeunes immigrants donne évidemment lieu à certains incidents, mais les problèmes sont loin d’atteindre les proportions décrites par le Daily Mail. En 2015, la Suède a accueilli pas moins de 35 000 mineurs, alors que ce chiffre ne dépassait pas 400 par an auparavant. Cette situation suppose l’émergence de nombreux problèmes, mais c’est seulement maintenant que nous nous rendons compte de l’ampleur du défi qui se pose à nous. »

Nous avons contacté à ce sujet le ministère suédois de la Justice, lequel niait lui aussi les articles alarmistes du Daily Mail, que certains groupes se sont empressés de citer et de partager massivement sur les réseaux sociaux. Le nombre important de viols en Suède ne s’explique pas tant par une tendance des Suédois à être plus brutaux envers les femmes que par une définition très stricte du viol et une meilleure inclination à rapporter les agressions sexuelles à la police.

 « Si une femme porte plainte à la police car son compagnon la frappe chaque semaine, on comptabilise alors 52 infractions pour l’année écoulée », explique Monica Landergård de la police suédoise. « Et ce nombre reste dans les archives, même si la plainte s’avère par la suite infondée. » Elle ajoute : « En Suède, il n’existe aucune base de données de police reprenant l’ethnicité ou la nationalité des agresseurs ». En d’autres mots, les informations relayées par Daily Mail ne reposent sur rien.

La rencontre avec Margot Wallström était organisée par The German Marshall Fund of the United States et l’ambassade de Suède en Belgique.

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