Attachez vos ceintures : Trump force l’Europe à “une hausse historique des dépenses militaires”

En fait, Donald Trump n’a jamais été contre l’OTAN. Voici son plan : investir au maximum dans la défense américaine pour effrayer l’Europe et l’obliger à le suivre. L’insécurité entraîne une hausse historique des dépenses militaires, inédite depuis la Guerre froide. Tout ceci en des temps d’austérité. L’industrie de l’armement s’enrichit, mais notre sécurité augmente-elle vraiment ?

  • U.S. Army Europe (domaine public)​ U.S. Army Europe (domaine public)​
  • © OTAN​ 17 juin 2015 : les alliés de l’OTAN en plein exercice d’attaque amphibie, à proximité d’Ustka, dans le nord de la Pologne. © OTAN​
  • © OTAN​ © OTAN​
  • U.S. Army Staff Sgt. Timothy D. Hughes (domaine public)​ 16 janvier 2017 : exercice militaire à Świętoszów, en Pologne. Un tank américain s’enflamme durant cette Operation Atlantic Resolve. 2 700 véhicules militaires sont déplacés en Pologne pour repousser la Russie. U.S. Army Staff Sgt. Timothy D. Hughes (domaine public)​
  • © OTAN​ La chancelière allemande Angela Merkel, le président polonais Andrzej Duda, le secrétaire général à l’OTAN Jens Stoltenberg et le Premier ministre belge Charles Michel lors du sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Varsovie en juillet 2016. © OTAN​
  • U.S. Army Staff Sgt. Timothy D. Hughes (domaine public)​ La Première ministre polonaise Beata Szydlo et le major-général Jaroslaw Mika procèdent à l’inspection des troupes américaines et polonaise au cours d’une cérémonie à Zagan (Pologne) en janvier 2017. La population polonaise salue les divisions américaines. U.S. Army Staff Sgt. Timothy D. Hughes (domaine public)​
  • ©OTAN Dalia Grybauskaitė, présidente de la Lituanie : ‘Nous sommes reconnaissants de la pression exercée par Trump.’ ©OTAN
  • U.S. Army Europe (domaine public)​ Un soldat américain et un estonien lors d’un exercice en commun. L’Estonie fait partie des rares membres de l’OTAN qui investissent 2 % de leur PIB dans la défense. U.S. Army Europe (domaine public)​

À l’occasion de l’annuelle Conservative Political Action Conference de Washington DC, le président Donald Trump a promis une “hausse historique des dépenses militaires”. L’armée américaine est déjà la plus puissante au monde, mais Trump rêve d’une augmentation de plus de 9 % du budget de la Défense. À savoir, 54 milliards de dollars supplémentaires.

‘Nous sommes dans l’incertitude totale,’ déclara Wolfgang Ischinger, le président de la Conférence de sécurité de Munich, dans un tweet. 
En 2014, la montée de l’organisation EI en Syrie et en Irak et l’annexion russe de la Crimée bouleversèrent les frontières étatiques en place. 
En 2015, les attentats terroristes d’Al-Qaïda et de l’EI en France firent de chacun de nous une cible potentielle. Le sentiment d’insécurité grimpa à mesure qu’arrivèrent plus de réfugiés. 
En 2016, le populisme nationaliste acheva de détruire toute foi en la ever closer union (union toujours plus unie) : d’une part, il n’est pas question d’intégrer de nouveaux pays (souvenez-vous du référendum néerlandais contre l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine), et d’autre part, l’UE a connu la première sortie d’un de ses États membres (référendum du Brexit).
Commis la même année, les attentats de l’EI à Bruxelles, Nice et Berlin rajoutèrent à l’insécurité ambiante. L’investiture de Donald Trump en 2017 fut la cerise sur le gâteau, suivie de la révélation de l’implication d’agents russes dans les élections américaines et, à la suite des déclarations de Trump à propos de l’OTAN et de l’UE, de l’incertitude quant à la volonté des USA de protéger l’Union européenne à l’avenir.

Des milliards que Trump compte libérer des budgets de la diplomatie, de l’aide extérieure et de la protection de l’environnement. Bien que ce projet doive encore être approuvé par le Congrès, plus de 120 généraux et amiraux américains à la retraite ont déjà fait pression auprès du Congrès pour que l’aide extérieure et le budget de la diplomatie ne soient pas réduits. ‘Une diplomatie forte et l’aide au développement complémentent la défense, elles sont cruciales à la sécurité de l’Amérique.’

Ce lundi (29 février), le président a proclamé que les USA ‘devaient à nouveau remporter des guerres’. Outre la guerre en Syrie et en Irak, Trump souhaite renforcer sa présence militaire dans la mer de Chine méridionale et dans le détroit d’Ormuz, entre les Émirats arabes unis et l’Iran. Cette décision pourrait aviver les tensions entre l’Amérique, l’Iran et la Chine.

Cela ne lui suffit pas. ‘L’incertitude totale’ qui domine l’Europe est pour lui l’occasion rêvée de l’impliquer dans cet essor militaire. Pourtant, les membres de l’OTAN s’étaient déjà engagés en 2014 “pour le plus grand effort en matière de défense collective depuis la Guerre froide”. Apparemment, cet effort avance trop lentement pour Trump.

2 % du PIB pour l’armement : politique de la terreur

Lors de ce sommet de l’OTAN de 2014, les États membres avaient renouvelé leur engagement à consacrer 2 % de leur produit intérieur brut à la défense. Les États qui n’atteignaient pas cette proportion promirent de l’atteindre en 2024.

Longtemps, l’Europe rechigna à s’y plier, n’étant plus menacée depuis la fin de la Guerre froide. De plus, elle fut confrontée à la crise financière de 2008. Comme aux États-Unis, divers opinions de comment utiliser au mieux les dépense pour la sécurité coexistent en Europe ; les investissements en matière de défense réalisés au détriment de la diplomatie et du développement semblent contradictoires. Une Europe en état d’alerte cède parfois à la peur ; la voici prête à se soumettre à la volonté de Donald Trump. 

© OTAN​

17 juin 2015 : les alliés de l’OTAN en plein exercice d’attaque amphibie, à proximité d’Ustka, dans le nord de la Pologne.

Comparons ces deux déclarations :

  • ‘Les pays que nous défendons doivent participer aux coûts de cette défense. Sinon, nous devons être prêts à les laisser se défendre eux-mêmes.’ Telle fut la bombe que Trump lâcha dans une entrevue accordée au quotidien allemand Bild, durant laquelle il qualifia l’OTAN à la fois “d’obsolète” et de “très importante”.
  • ‘Les USA reverront leurs engagements envers les alliés de l’OTAN à la baisse si ceux-ci n’émettent pas de projets d’augmentation de leurs dépenses militaires,’ nuança le secrétaire à la Défense américain James Mattis pour calmer les esprits traumatisés en Europe.

Lors d’une réunion de l’OTAN à Bonn et de la Conférence de sécurité de Munich, James Mattis a confirmé que la défense collective demeurait un bedrock committment (un engagement très ferme), mais que les membres de l’OTAN devaient intégrer la norme des 2 % dans leur politique, leurs projets de défense et leur législation. De plus, l’augmentation de cette part du budget devra se refléter visiblement dans les budgets annuels des États.

Certains dirigeants européens qui critiquaient jusque-là le militarisme se réjouirent de pouvoir investir dans la défense, s’ils pouvaient de cette manière racheter le soutien des USA.

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, explique que c’est déjà le cas : ‘Depuis 2015 et pour la première fois depuis des années, l’Europe et le Canada n’ont pas soumis la défense à des économies. En 2016, les dépenses ont augmenté de 3,8 %, ce qui équivaut à 10 milliards de dollars. Pour la troisième année consécutive, 2017 marque la continuation de cette hausse en Europe. Il nous reste toutefois beaucoup de chemin à parcourir.’

Un long chemin que les membres de l’OTAN, sous le choc, sont disposés à parcourir plus rapidement que jamais auparavant, même après des avertissements de nature similaire, mais certes moins dramatiques, des précédents présidents américains. Certains dirigeants européens qui critiquaient jusque-là le militarisme se réjouirent de pouvoir investir dans la défense, s’ils pouvaient de cette manière racheter le soutien des USA.

© OTAN​

 

Le rapport de la Conférence de sécurité cite Robert Kagan, l’historien néoconservateur qui avait prévu le fondement intellectuel de l’invasion américaine en Irak : ‘Les États-Unis ont abandonnés le business de l’ordre mondial.’ Il semblerait qu’ils n’aient jamais eu l’intention d’abandonner le business de l’ordre mondial, mais que cette menace était nécessaire pour que l’idée d’investissements colossaux dans la défense fasse son chemin dans les esprits.

Donald Trump n’a jamais eu l’intention de renier l’OTAN. Il avait d’ailleurs conscience que 75% des électeurs américains sont favorables à un maintien, voire à une hausse du budget que l’Amérique consacre à l’OTAN. D’ailleurs, James Mattis en personne fut un jour à la tête d’une opération de l’OTAN. L’incertitude plane également sur l’apparente divergence entre les sorties explosives de Trump et la prudence diplomatique des figures de l’establishment auxquelles James Mattis appartient. Ne s’agirait-il pas plutôt d’une stratégie délibérée pour semer le doute ?

L’Europe tremble tant qu’elle est décidée à racheter l’aval des États-Unis. Son angoisse n’est pour autant pas incompréhensible. Si sa réaction de panique peut sembler excessive, elle s’explique par le fait que les déclarations de Trump faisaient suite à des louanges du Brexit et des sous-entendus concernant un accord d’envergure avec le président russe Vladimir Poutine, sans consultation préalable des Européens.

Cela étant, les États européens ne répondent pas uniquement aux appels de la peur.

‘Avant que nous ne puissions investir dans l’OTAN, nous devons savoir si ses alliés s’expriment d’une seule voix sur la Russie.’

À la Conférence de Munich, la ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, a déclaré son pays prêt à augmenter ses dépense militaires, à condition que les USA offrent plus de clarté en matière de leur politique extérieure. ‘Avant que nous ne puissions investir dans l’OTAN, nous devons savoir si ses alliés s’expriment d’une seule voix sur la Russie,’ prévint-elle.

En décembre 2016, le Conseil européen s’aligna sur la norme des 2 % pour les États à la fois membres de l’UE et de l’OTAN. Parmi ceux-ci, d’aucuns se refusent à augmenter leur budget militaire sur la seule base d’une requête de Trump, en particulier pour une politique extérieure incertaine que l’UE ne peut pas soutenir.

Cette fameuse politique américaine a déjà démontré à plusieurs reprises qu’elle favoriserait des contacts bilatéraux avec la Russie et des États européens isolés au lieu de passer par l’intermédiaire de l’UE et de l’OTAN. Les fermes garanties américaines pourraient dans ce cas se faire attendre. Nous voici dans une impasse.

U.S. Army Staff Sgt. Timothy D. Hughes (domaine public)​

16 janvier 2017 : exercice militaire à Świętoszów, en Pologne. Un tank américain s’enflamme durant cette Operation Atlantic Resolve. 2 700 véhicules militaires sont déplacés en Pologne pour repousser la Russie.

Budget et austérité en temps électoraux : des promesses intenables ?

Bon nombre de ministres des Finances sont réticents à l’idée d’ouvrir leur coffre au trésor pour leurs collègues de la Défense. Wolfgang Ischinger, qui présidait la Conférence de Munich, n’a pas  hésité à employer les grands mots : ‘Éviter les déficits budgétaires ne contribuera pas à augmenter la sécurité pour les générations futures si nous devons pour cela payer le prix fort, le fondement de notre prospérité : notre sécurité.’

En l’espace de 4 ans, les dépenses de l’Allemagne devraient passer de 38 à 60 milliards. Elle deviendrait la première puissance militaire d’Europe, mais est-ce réaliste ?

À l’heure actuelle, l’Allemagne consacre 1,2 % à la défense. D’ici à 2020, ses dépenses militaires passeront de 36 à 38 milliards. En d’autres termes, pour que l’Allemagne atteigne la norme de l’OTAN, elle devrait passer de 38 à 60 milliards dans les quatre années restantes. Une telle évolution propulserait l’Allemagne en tête des puissances militaires en Europe – place actuellement occupée par la France et le Royaume-Uni – mais est pour ainsi dire irréalisable, bien que le budget du pays le lui permette.

Cette éventualité effraye tant Jens Stoltenberg, à la tête de l’OTAN, qu’il prit la parole au nom de l’Allemagne à Munich : ‘Angela Merkel augmentera les dépenses militaires de l’Allemagne ; c’est une bonne nouvelle pour l’Europe et pour l’OTAN.’ Pourtant, Merkel elle-même ne semble pas si assurée. Elle a déclaré que l’Allemagne atteindrait la barre des 2 % à son propre rythme et qu’elle ne se laisserait pas influencer par un ultimatum américain.

En ces temps électoraux, un autre problème se pose. Pour le moment, à peine 30 % des électeurs allemands sont favorables à une augmentation des dépenses militaires, tandis qu’Angela Merkel fait l’objet de pressions de la part de la gauche et de la droite. Les sociaux-démocrates du SPD tentent d’interpeller les pacifistes d’Allemagne et le parti populiste de droite AfD se positionne en faveur de la suppression de l’OTAN et du retrait des troupes allemandes à l’étranger.

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La chancelière allemande Angela Merkel, le président polonais Andrzej Duda, le secrétaire général à l’OTAN Jens Stoltenberg et le Premier ministre belge Charles Michel lors du sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Varsovie en juillet 2016.

Le CDU de Merkel, qui occupe le ministère de la Défense, voudrait bien augmenter la part du budget allant à la défense, mais fait face depuis des années à l’opposition de son partenaire de coalition SPD, à la direction du ministère des Affaires étrangères. Le SPD souhaite placer Martin Schulz au poste de chancelier et voit ici une chance de détrôner Merkel.

Investir si massivement dans l’armement, certes sous pression d’un président américain tel que Trump, pourrait bien signifier le suicide politique de Merkel. À Munich, elle s’exprima avec prudence pour éviter de paraître militariste : ‘L’Allemagne destine tout juste 0,7 % à la coopération au développement, ce n’est pas suffisant. La sécurité, c’est aussi contribuer au développement et offrir une vie meilleure aux citoyens.’

À Munich et à Bonn, le ministre des Affaires étrangères Sigmar Gabriel (SPD) chercha à s’octroyer les mérites de ce pacifisme : ‘Nous pouvons remettre cette norme des 2 % en question. Nous devons empêcher une nouvelle course à l’armement. Certaines interventions militaires passées furent infructueuses. Par conséquent, l’Allemagne consacre aujourd’hui 30 à 40 milliards à l’intégration des réfugiés. C’est également un investissement dans la sécurité : intégrer les réfugiés revient à éviter qu’ils ne prennent les armes. Plus de défense ne signifie pas automatiquement plus de sécurité et de paix.’

‘Certaines interventions militaires passées furent infructueuses. Par conséquent, l’Allemagne consacre aujourd’hui 30 à 40 milliards à l’intégration des réfugiés. C’est aussi une mesure sécuritaire.’

Le message de la commissaire européenne des Affaires étrangères Federica Mogherini allait dans le même sens : ‘Sommes-nous certains que notre sécurité augmente avec des dépenses militaires plus élevées ? Les investissements dans le développement durable des autres n’est pas un acte charitable, mais un investissement égoïste dans notre propre sécurité.’

Le président de la Commission Jean-Claude Juncker fut le plus mordant : ‘L’Europe ne peut pas se plier aux exigences américaines.’

Les politiciens européens faisaient des pieds et des mains pour paraître le plus pacifiste de tous, à l’exception notable du ministre britannique de la Défense Michael Fallon. Sans sourciller, il déclara que depuis 2010, le Royaume-Uni fait des économies en matière de sécurité sociale pour dédier 2 % de son PIB à la défense.

Let’s get real. Cessez de vous cacher derrière l’excuse de l’austérité,’ déclara le ministre britannique. ‘Nous avons pris la décision de couper autre part. La politique est faite de choix et choisir, c’est perdre.’

Sigmar Gabriel défendit un autre point de vue : ‘La Grèce consacre 2 % à la défense, mais n’a plus d’argent pour ses pensions. Ceci la rend-elle pour autant plus stable ?’

Les déclarations de Michael Fallon ont incontestablement jeté l’émoi en Espagne et en Italie. Leurs budgets les ont poussés à réduire leurs dépenses militaires à 1 % ces dix dernières années. Pour ces pays, il est pratiquement impossible de respecter à la fois la norme de l’OTAN et les exigences strictes d’austérité de l’UE.

Depuis 2010, le Royaume-Uni fait des économies en matière de sécurité sociale pour dédier 2 % de son PIB à la défense.

Pour 2020, l’Italie a même prévu de réduire la part du budget allouée à la défense de 1,3 milliards. À peine 26 % des votants italiens souhaitent une augmentation des dépenses militaires.

Pour couper l’herbe sous le pied des populistes nationalistes et assurer la survie de l’OTAN et de l’UE, il est néanmoins nécessaire de présenter aux citoyens une sécurité financière. Sur la base de cette sécurité, ils pourront à nouveau se préoccuper des institutions et des valeurs. La protection des frontières de l’Est est le moindre des soucis des simples citoyens, qui votent pour des partis qui se plaisent à troubler l’ordre. Les valeurs représentent très peu, concrètement, pour les personnes vulnérables, les sans-emplois, les laissés-pour-compte de la mondialisation.

U.S. Army Staff Sgt. Timothy D. Hughes (domaine public)​

La Première ministre polonaise Beata Szydlo et le major-général Jaroslaw Mika procèdent à l’inspection des troupes américaines et polonaise au cours d’une cérémonie à Zagan (Pologne) en janvier 2017. La population polonaise salue les divisions américaines.

Coup de fouet pour la défense dans les pays baltes et en Pologne

Le pacifisme et l’austérité de l’Europe occidentale inquiètent principalement la Pologne et les pays baltes. ‘Les dépenses militaires ne résoudront pas tous les problèmes liés à la sécurité,’ déclara l’ancien ministre des Affaires étrangères d’Estonie, présent dans la salle à Munich. ‘Cela dit, il m’est douloureux d’entendre que les frontières de mon pays ne sont pas protégées parce que des membres de l’OTAN ne paient pas leur part.’

Trump a réussi à attiser les discordes européennes. Les pays européens devront les départager entre eux. Désormais, les pays baltes peuvent pointer du doigt, non plus Trump, mais les retardataires européens qui ne remplissent pas les conditions du président américain.

La Pologne et les pays baltes craignent surtout l’avancement militaire russe dans l’enclave russe de Kaliningrad, située entre la Pologne, la Lituanie et la mer Baltique. Dans cette enclave sont installés des missiles surface-air capables d’atteindre des cibles à 200 kilomètres de distance. La Russie a également testé un missile-croisière pouvant parcourir une distance de 1 500 kilomètres.

Pour la première fois depuis 40-45, des soldats allemands sont sur le sol lituanien. La Belgique a envoyé 150 troupes sous le commandement allemand.

Le test d’un missile russe enfreignant le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (INF) suscita aussi l’inquiétude à Munich. La volonté de Trump d’investir dans la défense antimissile signifie-t-elle la dissolution des accords de contrôle de l’armement et la relance de la course à l’armement ?

En Pologne, 52 % de la population souhaitent une augmentation des dépenses militaires et 65 %, la présence de troupes de l’OTAN sur le territoire. Avant que la Russie n’annexe la Crimée, ils n’étaient que 30 %. De plus, la Pologne et l’Estonie respectent déjà la norme des 2 %. En l’espace de quelques années, les dépenses militaires polonaises se sont hissées de 7,5 à 10,5 milliards.

À la suite de l’annexion de la Crimée, l’OTAN ordonna un déploiement historique de bataillons multinationaux pour tranquilliser les États à l’est de la frontière et pour signifier à la Russie qu’elle prend la défense collective au sérieux. Ce fut ‘une grande avancée pour la coopération internationale entre les armées européenne et américaine en Europe de l’Est.’

En Estonie, ce sont les troupes britanniques qui commandent. En Lettonie, les canadiennes. En Lituanie, les allemandes. La Belgique a envoyé 150 troupes officiant sous le commandement allemand en Lituanie. Elles y servent aux côtés de soldats néerlandais, norvégien et luxembourgeois. ‘Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, des soldats allemands sont sur le sol lituanien. Ce pays eut un rôle-clé dans la chute de l’Union soviétique à laquelle l’Allemagne doit aussi sa liberté et sa réunification. Ces pays méritent notre protection,’ conclut Ursula von der Leyen.

©OTAN

Dalia Grybauskaitė, présidente de la Lituanie : ‘Nous sommes reconnaissants de la pression exercée par Trump.’

‘La radicalisation de la politique occidentale se mue peu à peu en menace pour la Lituanie,’ déclare sa présidente Dalia Grybauskaitė. Cette citation renvoie aux élections aux Pays-Bas, en France et en Allemagne, qui pourront permettre aux partis qui rejettent l’OTAN d’approfondir leur influence. ‘Nous sommes reconnaissants envers l’Allemagne d’avoir pris la direction de la défense et de la sécurité lituanienne, et envers Trump de la pression qu’il exerce.’

Des troupes de l’OTAN sous autorité américaine ont pris leurs quartiers en Pologne. ‘Nous disposons de quatre bataillons prêts au combat en Pologne et dans les pays baltes. Nous continuerons à tenir notre engagement,’ promit le vice-président américain Michael Pence à Munich. Salve d’applaudissements. ‘Depuis que nous sommes membre de l’OTAN, c’est la première fois que nous recevons un traitement équitable,’ répondit le ministre polonais des Affaires étrangères Witold Waszczykowski.

L’Ukraine, un pays en guerre avec la Russie mais n’appartenant pas à l’OTAN, veut elle aussi sa part du gâteau. Le maire de Kiev, Vitali Klitschko, saisit l’opportunité de la Conférence de Munich pour plaider en faveur de l’armement des troupes ukrainiennes. Reste à voir quelle sera la réaction de Trump. Le sénateur républicain John McCain s’y est déjà montré favorable. L’OTAN commencera par étendre sa présence dans la mer Noire.

U.S. Army Europe (domaine public)​

Un soldat américain et un estonien lors d’un exercice en commun. L’Estonie fait partie des rares membres de l’OTAN qui investissent 2 % de leur PIB dans la défense.

Le malheur des uns … : devons-nous tenir cette promesse ?

Tout ceci est-il bien nécessaire à notre sécurité ? Le budget combiné de l’OTAN dépasse déjà largement celui de la Russie. Rien qu’aux États-Unis, 609 milliards sont alloués à la défense. En comparaison, la Russie dépense 85 milliards pour ce poste.

En ces temps d’austérité, pourquoi investir massivement dans l’armement, quand nous disposons déjà de moyens militaires plus que suffisants que nous pourrions utiliser de manière plus efficace ?

Se pourrait-il que Trump induise la controverse autour de l’OTAN pour justifier son élargissement ? Un indice appuie cette théorie. Trump est le président du monde des affaires ; son équipe se compose de nombreux anciens lobbyistes de grandes entreprises. L’avenir de l’industrie de l’armement sera prospère, grâce aux investissements historiques du président dans l’armée américaine et à la pression mise sur l’Europe pour lui emboîter le pas.

Pourquoi investir dans l’armement alors que la puissance militaire de l’OTAN dépasse celle de la Russie ? Pourquoi n’employons-nous pas plutôt plus efficacement les moyens existants ?

La Russie, l’EI : dans les cercles politiques, ce sont des menaces, dans les cercles commerciaux, des chances à saisir. Les think thanks financés par les géants de l’armement publient sans cesse des rapports alarmants pour s’assurer que les membres de l’OTAN n’oublient surtout pas d’acheter des armes. En décembre 2015, la septième plus grande entreprise américaine du secteur annonçait à ses actionnaires que l’industrie allait à la rencontre de “chances historiques à saisir”. Une déclaration faite bien avant Trump et sa hausse historique des investissements militaires.

Un autre déclara : ‘La paix avait éclaté, mais la Russie refait aujourd’hui surface et fait pression sur les partenaires de l’OTAN.’ La National Defense Industrial Association, un groupe de lobby de l’industrie de l’armement, appela le Congrès à simplifier l’export d’armes des industries américaines vers les partenaires étrangers. Ce sont elles qui profiteront en premier de cette impulsion militaire.

Quelles valeurs ?

À Munich, le vice-président américain Michael Pence conclut son discours par une référence à Dieu. ‘Notre Créateur nous a dotés de valeurs. Il est de notre devoir de combattre le mal.’ Suite à quoi le président Wolfgang Ischinger le remercia d’avoir choisi Munich pour sa première présentation en Europe de la nouvelle politique étrangère américaine.

Dans le cadre de la sécurité et de la stabilité que l’OTAN nous garantit, nous devrions être en mesure d’œuvrer à la consolidation de la démocratie et de l’État de droit. Tout État souhaitant y contribuer devrait avoir la liberté de le faire. L’ensemble des ministres américains et européens s’accordent à dire que c’est le principal objectif de l’OTAN.

‘Ne devrions-nous pas plutôt travailler à nos valeurs avant d’augmenter nos dépenses pour leur défense ?’

‘Pourquoi Trump, lui qui incite les pays à davantage investir dans la défense, a-t-il écrit sur Twitter que le New York Times est l’ennemi du peuple ?’ demanda un journaliste turc présent à la Conférence. ‘C’est staliniste et cela ne correspond pas à nos valeurs. Pas plus que lorsqu’un tribunal turc condamne un journaliste allemand pour “terrorisme”. Ne devrions-nous pas plutôt travailler à nos valeurs avant d’augmenter nos dépenses pour leur défense ?’

Les cinq ministres de la Défense sur l’estrade acquiescèrent, rassurés, quand le modérateur balaya la question comme un “commentaire”. Un peu plus tard, la secrétaire générale adjointe de l’OTAN Rose Gottemoeler reposa la question : ‘L’OTAN comme bastion de l’État de droit. Qu’est-ce que vous entendez par là ?’

Le seul qui fut autorisé à prendre la parole fut le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon. Il attaqua le journaliste turc pour s’en être pris à Trump : ‘C’est Poutine, et non Trump, qui déploie des missiles. C’est Poutine, et non Trump, qui répand de la désinformation et de la propagande. Rassemblons-nous pour contrer la véritable menace de notre démocratie.’

Les mois et années à venir nous apprendrons si le plus grand investissement militaire de l’histoire récente représente lui aussi une menace pour la paix mondiale. Aujourd’hui, nous pouvons toutefois affirmer qu’elle offre une opportunité inédite à l’industrie de l’armement.

MO* consacre une série d’analyses aux premières rencontres entre le nouveau gouvernement américain et l’élite européenne.

  1. Ne vous méprenez pas, chers amis européens. Les USA continueront à miner l’Europe.
  2. Attachez vos ceintures : Trump force l’Europe à “une hausse historique des dépenses militaires”

Traduction : Marie Gomrée

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