Mauricio Macri : le cauchemar ultralibéral argentin

Le nouveau gouvernement argentin marque le retour du pays à une politique ultralibérale. Les nombreux licenciements de fonctionnaires, l’abrogation de la loi sur les médias et les mesures répressives du président Macri sèment la peur et la panique au sein de la société argentine. Les organisations civiles se préparent à prendre d’assaut les rues du pays.

  • (CC by-nd 2.0) Mauricio Macri, ancien maire de Buenos Aires, est aujourd’hui le président du pays. (CC by-nd 2.0)
  • Gaston Cuello (CC by-sa 430) Sous la direction de Macri le père, l’entreprise postale a licencié 10 900 employés en quatre ans. Gaston Cuello (CC by-sa 430)
  • Casa Rosada (CC by-sa 2.0) Mme Kirchner lors des élections tenues en août 2015, quelques mois avant qu’elle ne retire l’écharpe présidentielle. Casa Rosada (CC by-sa 2.0)
  • Romina Santarelli (CC by-sa 2.0) Milagro Sala, activiste indigène, a été envoyé en prison par M. Macri. Romina Santarelli (CC by-sa 2.0)
  •  Roblespepe (GFDL)​ Les Mères de la Plaza de Mayo lors d'une manifestation organisée en 2006. Le président Macri a refusé de les recevoir. Roblespepe Roblespepe (GFDL)​

Mauricio Macri est loin d’être un visage inconnu dans le paysage politique argentin. Il a été maire de Buenos Aires de 2007 à 2015. En octobre dernier, lui et son parti, Cambiemos (littéralement “en avant pour le changement”), se sont lancés dans la course à la présidence.

Il est était le seul candidat non péroniste. Il avait pour adversaires Daniel Scioli, le candidat du gouvernement Kirchner, et Sergio Massa, le candidat de centre droit.

Un vent de changement

Lors du premier tour, en octobre, Daniel Scioli, issu du parti au pouvoir, le Frente Para la Victoria (le Front pour la victoire), affichait des résultats décevants. Lors du second tour, en novembre, c’est le candidat rival, Mauricio Macri, qui a remporté les présidentielles, quoique de peu, avec un peu plus de 50 % des voix.

Lors de sa campagne, M. Macri s’est montré résolu à rompre avec le « Socialisme du XXIe siècle » tel que prôné au Venezuela. Il qualifia son modèle «le Développement du XXIe siècle».

M. Macri a fait retirer sur-le-champ les portraits du couple Kirchner et d’Hugo Chávez. Le nouveau président souhaite rendre le pays à nouveau attrayant pour les investisseurs étrangers.

Au revoir, Cristina

C’est avec beaucoup de théâtralité que Cristina Fernández de Kirchner, surnommée CKF, a fini par ôter l’écharpe présidentielle le 9 décembre à minuit.

La politique néolibérale de Macri suit cependant la même logique que le modèle responsable de l’effondrement du pays en 2001.

Elle a même refusé de la remettre en mains propres à son successeur, ce qui donne une idée du degré de polarisation de la scène politique argentine.

Selon Viktor Sukup, qui enseigne depuis des années l’économie à l’Université de Buenos Aires, c’est ni plus ni moins à cette polarisation que Macri doit sa victoire.

Aux yeux de M. Sukup, les résultats du scrutin traduisent les profondes divisions au sein du centre droit plutôt qu’un choix clair du peuple argentin. La politique néolibérale du président Macri suit cependant la même logique que le modèle responsable de l’effondrement du pays en 2001.

Casa Rosada (CC by-sa 2.0)

Mme Kirchner lors des élections tenues en août 2015, quelques mois avant qu’elle ne retire l’écharpe présidentielle.

Même s’il reste critique vis-à-vis des Kirchner, le professeur Sukup reconnaît pleinement les incroyables efforts qu’ils ont fournis pour remettre le pays à flot après le naufrage de 2001.

Lors des années qui ont précédé la crise argentine, période à laquelle le président Macri aspire à retourner, la politique du gouvernement mêlait une politique ultralibérale, encouragée par l’establishment mondial (et même européen), à des mesures très interventionnistes, comme par exemple la régulation du taux de change entre la monnaie locale, le peso, et le dollar.

Les effets pervers d’une politique libérale

« Il s’agissait à l’époque d’un extrémisme de marché, on voulait même privatiser les centrales nucléaires et les prisons », souligne M. Sukup.

Le résultat ? D’énormes scandales de corruption, des tarifs à l’importation démesurément bas et une importante surévaluation du peso.

Cette politique a permis, pendant un temps, une croissance économique factice alors que le pays amassait une énormissime dette publique. L’Argentine a fini par « tuer la poule aux œufs d’or », ce qui engendra l’implosion du pays en 2001.

La croissance économique reposait essentiellement sur la demande chinoise en soja.

Le couple Kirchner est parvenu à sortir le pays du marasme. En cinq ans, l’Argentine a connu une croissance du revenu national à raison de 200 % ainsi qu’une baisse du taux de chômage et de la pauvreté.

La croissance économique reposait essentiellement sur la demande chinoise, principalement en soja.

Le professeur Sukup souligne en outre l’importance du contrôle des changes instauré par le couple Kirchner et leur rejet du modèle ultralibéral. Les Kirchner ont à la place introduit une forte intervention de l’État, caractérisée par des visées protectionnistes. Leurs mesures ont eu trait au soutien des entreprises nationales et à des programmes sociaux luttant contre la pauvreté.

Malgré l’arrogance et la corruption, malgré l’effondrement de la croissance, et maintenant malgré la conjuncture internationale, le bilan des 12 années de kirchnérisme s’avère tout à fait positif, explique M. Sukup.

Le journaliste Carlos Aznáres, directeur du média de gauche Resumen Latinoamericano, tient pour sa part des propos bien moins élogieux à l’égard de l’ancienne présidente Cristina Kirchner. D’après M. Aznárez, la défaite du Frente Para la Victoria est due à la politique menée par Mme Kirchner, qui se basait déjà trop sur le capitalisme et la société de consommation. Trop à droite pour les uns et trop à gauche pour les autres, M. Scioli n’était pas un bon candidat pour représenter le parti.

L’échec des gouvernements de gauche provient de leur incapacité à rompre avec le capitalisme. En effet, en dépit de leur couleur politique, ces gouvernements ont prôné un modèle économique extrêmement dépendant de l’exploitation des richesses naturelles et de l’industrie agroalimentaire, explique M. Aznáez.

Éponger ses dettes avant tout

Il faut du cambio. Le président veut du changement, et pas qu’un peu. Le père de Mauricio est un éminent homme d’affaires argentin à la tête du groupe Sociedad Macri (Socma), actif dans le secteur de la construction, de l’extraction minière, de l’automobile et de l’immobilier.

Le groupe Macri doit 659 millions de dollars à l’État argentin, sans compter les intérêts.

Cette entreprise, pur produit de la vague de privatisation des années nonante, est une parfaite illustration du capitalisme spéculatif en Argentine. Lors de cette vague de privatisation, initiée en 1997 par le président Carlos Ménem, Socma a acheté les services postaux, dans le cadre d’un contrat de concession valable 30 ans qui devait, chaque semestre, rapporter 51,6 millions de pesos argentins à l’État. À l’époque, il existait une parité entre le peso et le dollar.

Quatre ans plus tard, le nombre de licenciements s’élevait à 10 900 et, en 1999, Socma a cessé de payer sa rente semestrielle. Ainsi, le groupe Macri doit 659 millions de dollars à l’État, sans compter les intérêts.

Gaston Cuello (CC by-sa 430)

Sous la direction de Macri le père, l’entreprise postale a licencié 10 900 employés en quatre ans.

Nul ne s’étonnera donc que la question de la dette, résultat d’un capital spéculatif, de privatisations et de faibles investissements lors des années nonante, soit un sujet très sensible pour les détracteurs du président Macri.

Après le krach financier de décembre 2001, la dette a été rééchelonnée et renégociée en 2005 puis en 2010.

Les gouvernements de Néstor Kirchner (2003-2007) et de sa femme Cristina Fernández de Kirchner se sont efforcés de prendre progressivement leurs distances vis-à-vis du FMI.

Toutefois, 7 % des créanciers se sont opposés au rééchelonnement de la dette et continuent de réclamer un remboursement complet, comme ils l’ont affirmé lors du retentissant procès des vautours de New York.

M. Macri avait annoncé lors de sa campagne qu’il s’attaquerait à la problématique de la dette et résoudrait les contentieux avec les fonds vautours. Un accord a vu le jour il y a quelques jours. À l’avenir, l’Argentine pourra à nouveau emprunter de l’argent sur les marchés financiers…afin de rembourser ses créanciers.

Bienvenue Christine

En plus d’encourager la contraction de nouvelles dettes, cet accord crée une brèche dans laquelle les créanciers impliqués pourraient s’engouffrer. Ces derniers pourraient ainsi revenir sur l’accord conclu, craint Renaud Vivien, issu du groupe CADTM, qui rassemble des experts en économie.

Christine Lagarde était régulièrement en désaccord avec Cristina Kirchner. Ainsi, la directrice du FMI n’a pas tardé à saluer la victoire de M. Macri.

Macri et les médias

Macri a supprimé les subventions favorisant les combustibles fossiles afin de limiter le déficit de l’État argentin.

Une autre mesure notable de M. Macri est la suppression de l’ambitieuse loi sur les médias de 2009. Cette loi limitait le nombre de licences accordées à chaque entreprise ou organisation et répartissait le temps d’antenne en trois parts égales: une pour le secteur privé, une pour les organisations à but social et une pour les pouvoirs publics. À cela s’ajoutait la création d’un organe fédéral de communication pour veiller à la bonne application de la loi en question. Le nouveau gouvernement a donc également supprimé cet organe.

Selon M. Macri, la nouvelle loi favoriserait l’essor d’une presse indépendante. Le président argentin prétend que la loi de 2009 n’était qu’une façon d’instrumentaliser la presse.

Macri et le peuple argentin

Les syndicats, les fonctionnaires et les employés manifestent déjà leur mécontentement.

Une première grève nationale a été organisée le 24 février dernier, en protestation contre le licenciement massif de fonctionnaires, la baisse des salaires, l’inflation et la criminalisation de la manifestation.

Macri a supprimé les subventions favorisant l’utilisation des combustibles fossiles afin de limiter le déficit de l’État argentin, et il a également mis un terme aux tarifs d’exportation fixés par le clan Kirchner dans le secteur agroalimentaire.

Macri et les droits de l’Homme

Résolu à tourner le dos au Venezuela et à toute réminiscence du chavisme, M. Macri a plaidé pour la sortie du Venezuela de Mercosur, l’union douanière entre l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay, la Bolivie et le Venezuela.

Son principal argument est le non-respect des droits de l’Homme du Venezuela. Ces déclarations visent plus précisément l’emprisonnement de candidats de l’opposition, tels que Leopoldo Lopez. Lors du dernier sommet de Mercosur, le président Macri a farouchement attaqué son homologue vénézuélien à ce sujet.

Le président Macri semble toutefois moins se soucier du respect des droits de l’Homme au sein de son propre pays. En effet, il a refusé de recevoir les Mères de Plaza de Mayo. Ce groupe de femmes se réunit chaque semaine depuis des décennies sur la Plaza de Mayo à Buenos Aires.

 Roblespepe (GFDL)​

Les Mères de la Plaza de Mayo lors d’une manifestation organisée en 2006. Le président Macri a refusé de les recevoir. Roblespepe

M. Macri prône un adoucissement des peines infligées aux responsables des disparitions sous la dictature militaire.

Elles continuent d’exiger des éclaircissements quant aux nombreuses disparitions datant de l’époque de la dictature. Lors de sa mission en Argentine, le président Hollande a rendu visite à ces femmes. M. Macri argentin s’est donc vu contraint de les rencontrer. Près de 30 000 Argentins ont été portés disparus sous la dictature, qui dura de 1973 à 1976. Cependant, Darío Lopérfido, proche collaborateur de M. Macri en charge de la culture à Buenos Aires, conteste ce chiffre, malgré toutes les enquêtes menées et les preuves rassemblées depuis la fin de la dictature.

Pardonner, et non oublier

Le président Macri souhaite également réduire les peines infligées aux personnes coupables d’infractions aux droits de l’homme durant la dernière dictature militaire, qui ont entre-temps été jugés et envoyés en prison.

La société argentine accepte difficilement cette minimisation des crimes commis. Elle est résolue à tout faire pour que les morts ne soient pas oubliés.

Pérez Esquivel : « M. Macri n’est qu’un pion du ministère américain des Affaires étrangères. »

Le lauréat du prix Nobel de la paix Pérez Esquivel, lui-même une victime de la dictature argentine, a écrit une lettre ouverte au président Macri dans laquelle il explique que le peuple argentin n’est pas prêt à renoncer à ses acquis ni en matière de protection des droits de l’homme ni en matière de lutte contre les crimes commis en toute impunité.

Aux yeux de Pérez Esquivel, M. Macri n’est qu’un pion du ministère américain des Affaires étrangères.

Il a depuis été annoncé que le président Obama visiterait l’Argentine après Cuba. Cette annonce n’a pas réjoui les Mères de la Plaza de Mayo.

Le président argentin a dû faire face à des critiques dans la presse internationale à la suite de l’emprisonnement de l’activiste indigène Milagro Sala. Ce dernier tentait d’attirer l’attention sur les difficultés que rencontrait son peuple dans la province du Jujuy, dans le nord du pays.

Cette arrestation n’a pas échappé au pape François, ancien archevêque de Buenos Aires.

Romina Santarelli (CC by-sa 2.0)

Milagro Sala, activiste indigène, a été envoyé en prison par M. Macri.

Le pape François I a publiquement exprimé son soutien pour Milagro Sala, notamment en lui envoyant une couronne de fleurs.

Le pape a visité l’Argentine fin février. La Compagnie de Jésus, l’ordre auquel le pape appartenait jadis, l’avait prié de refuser toute entrevue avec le président Macri tant que M. Milagro ne serait pas libéré. Si le pape François a finalement rencontré M. Macri, il est resté très froid pendant toute la durée de leur entretien.

Des chercheurs européens préoccupés par la situation en Argentine ont écrit une lettre ouverte pour attirer l’attention sur ce qui s’y passe. Vous pouvez la lire ici (en néerlandais).

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