'Toute l'Afrique est tournée vers le Togo'

Après le renversement de Blaise Compaoré au Burkina Faso, l’alternance réussie du Nigéria et avant les échéances électorales à risques au Burundi ou en République Centrafricaine, les togolais se sont rendus aux urnes ce samedi 25 avril afin d’élire leur président, et pourraient donner le ton en cas de violentes contestations.

  • United Nations Development Programme (CC BY-NC-ND 2.0) Lors des élections législatives de 2013, plusieurs mineurs d'âge s'étaient vus octroyer une carte d'électeur par le parti au pouvoir UNIR. United Nations Development Programme (CC BY-NC-ND 2.0)
  • © François Sennesael 'Ce qu'il va se passer ou non au Togo peut être déterminant pour tout le continent.' © François Sennesael
  • © François Sennesael Encore aujourd'hui le traumatisme reste présent dans la population togolaise. © François Sennesael

C‘est ce qui s’appelle mettre la pression. Jeudi 23 avril, deux jours avant le scrutin, des dizaines de milliers de T-shirts orange, la couleur principale de l’opposition (CAP 2015, un conglomérat de plusieurs partis), ont défilé dans les rues de Lomé, la capitale. Jean-Pierre Fabre, candidat de CAP 2015,  harangue la  foule : ‘de cette arme, le vote, peut venir le changement du système politique qui régente le Togo’.  

Car l’alternance n’est qu’un vain mot dans un Togo dirigé depuis près de 50 ans par la même famille. Depuis 1963 et l’assassinat de Sylvanus Olympio, président depuis l’indépendance acquise trois ans plus tôt, la famille Gnassingbé dirige le pays d’une main de fer. Par Gnassingbé Eyadema tout d’abord, et par son fils Faure ensuite. Ce dernier, d’abord président par intérim en 2003 suite au décès de son père, s’est présenté aux élections présidentielles de 2005, organisées suite aux pressions internationales.

© François Sennesael

‘Ce qu’il va se passer ou non au Togo peut être déterminant pour tout le continent.’

Encore aujourd’hui le traumatisme reste présent dans la population togolaise. En effet, l’armée avait surgi dans les bureaux de vote et lourdement réprimé quiconque s’opposait à son tour de force en faveur de Faure. En conséquence, plus de 26 000 togolais se sont réfugiés au Bénin, selon le Haut Commissariat des Nations-Unis pour les Réfugiés.

Mais les Gnassingbé se savent protéger, car Eyadéma fut un ami proche de Jacques Chirac, qui prit ainsi soin de maintenir Faure au pouvoir. Nicolas Sarkozy, bien que n’ayant aucune affinité particulière avec le président togolais, s’est contenté de cette situation, tant que les intérêts de la France restaient protégés.

‘L’arrivée au pouvoir de François Hollande, de surcroît socialiste (à l’instar Jean-Pierre Fabre, ndlr), a rendu le Président togolais nerveux’, analyse Ferdinand Ayité, rédacteur en chef du principal journal d’opposition. ‘En cas de conflit, la France interviendra, comme elle l’a fait avec Gbagbo en Côte d’Ivoire, afin de placer Fabre sur le trône’. Conscient de cet avantage, le leader de l’opposition s’est ainsi rendu plusieurs fois à l’Elysée en 2014 afin de plaider sa cause.

‘L’opposition ne se laissera plus voler sa victoire’

Dans une interview à MO* datant d’août 2013, Jean-Pierre Fabre assurait que cette fois-ci, ‘l’opposition ne se laissera plus voler sa victoire’. La tension s’est petit à petit faite ressentir dans le pays. ‘Ces élections, je ne les sens pas’, confiait en juillet dernier Marie-Claude, expatriée française depuis 20 ans au Togo. Pourtant, la campagne électorale s’est déroulée dans le calme. Le Président a limité ses déplacements, préférant faire profil bas.

Car non seulement il n’a plus le soutien inconditionnel de la France, mais son bilan décennal est loin d’être honorable. La situation économique et sociale du pays n’est pas bonne, même pire qu’avant son entrée en fonction. La majorité des diplômés se voient ainsi réduits au rôle de taxi-moto. ‘Ici, il n’y a rien à faire’, s’insurge Bill, un jeune au chômage, ‘le gouvernement nous a complètement laissé tomber. Je pense partir au Bénin trouver quelque chose, n’importe quoi’.  L’Etat semble en fait complètement absent, et la population se retrouve livrée à elle-même.

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Encore aujourd’hui le traumatisme reste présent dans la population togolaise.

Les togolais sont fatigués, et ne semblent plus croire à la possibilité d’une action politique crédible. Samedi, le taux de participation avoisinait les 55% selon la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante), confirmant par la même occasion la baisse déjà remarquée lors des précédents scrutins. Aucun incident majeur ne s’est produit lors du vote. Cependant, même si des observateurs sont présents dans les grandes villes du pays afin de contrôler la validité du scrutin, la corruption reste de mise dans les villages.

‘2005 reste indéniablement dans la tête’

Lors des élections législatives de 2013, plusieurs mineurs d’âge s’étaient vus octroyer une carte d’électeur par le parti au pouvoir UNIR. ‘Les fonctionnaires de Lomé sont venus dans le village pour faire des cartes à tout le monde’, raconte Jacques, 14 ans. ‘Quand on est arrivé dans le bureau de vote, on nous dit de ne pas aller dans l’isoloir, et ils nous ont aidé à voter UNIR’.

Les togolais sont-ils résignés ? ‘Ils ne sont pas résignés’, soutient Ferdinand Ayité, ‘mais la peur de nouvelles violences prend le dessus. 2005 reste indéniablement dans la tête’. Même si le peuple semble réticent à engager un bras de fer en cas de fraude, l’opposition compte appeler à descendre dans la rue en cas d’issue défavorable. Fabre semble avoir compris que le renouveau pris par le voisin burkinabé, ainsi que par le Nigéria, joue en sa faveur.

En cas de renversement du pouvoir en place, le Togo pourrait s’inscrire dans la chute de dominos initiée par le Burkina Faso, et par la même occasion contribuer à façonner les élections à venir dans d’autres pays africains où les tensions sont vives. ‘Ce qu’il va se passer ou non au Togo peut être déterminant pour tout le continent’, conclut le journaliste, ‘toute l’Afrique est tournée vers le Togo’.

François Sennesael est étudiant en Droit et en Relations Internationales à l’Université Catholique de Louvain, avec une attention certaine pour les affaires africaines. Il a à cet égard été stagiaire pour le German Marshall Fund of the United States à Bruxelles dans le département Wider Atlantic. François s’est rendu plusieurs fois auTogo ces dernières années pour divers projets, et à suivi sur place les élections législatives de 2013.

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