Trump et Xi Jinping : ‘A very, very great relationship’

Lors de sa rencontre au sommet avec le dirigeant chinois Xi Jinping, le président américain Donald Trump observa toutes les règles de la bienséance, contre toutes attentes. Ching Lin Pang vous propose un voyage dans le passé entremêlé de ces deux puissances : une histoire de fascination, d’influence et d’affection réciproques.

  • © Brecht Goris © Brecht Goris

Lors de leur rencontre au sommet qui s’est déroulée la semaine passée, les dirigeants Donald Trump, pour les USA, et Xi Jinping, pour la Chine, ont étonnamment parlé le langage de la conciliation. Ni les plus défaitistes, qui prévoyaient une guerre inéluctable, ni les plus nuancés ne s’y attendaient. Trump déroula le tapis rouge pour Xi et son épouse Peng Liyuan, qu’il considère être ‘une femme d’un talent singulier’.

First Lady Peng Liyuan

Madame Peng n’est effectivement pas n’importe quelle première dame. Avant que son époux ne devienne le dirigeant de la Chine, la chanteuse de variété bénéficiait déjà d’une popularité inouïe auprès d’un large public.

Cette célébrité, elle la doit à son rôle de Vera Lynn nationale pour les troupes chinoises stationnées aux quatre coins de l’Empire.

Les Chinois se réjouissent tant que leur pays ait enfin une First Lady élégante qui cultive un goût pour les créations de qualité de la nation

Son apparition au gala du nouvel an constitue chaque année une valeur sûre de l’événement diffusé par la chaîne publique CCTV et suivi par un bon 700 millions de téléspectateurs.

Mais depuis qu’elle est devenue première dame, sa popularité n’a fait qu’augmenter. Les Chinois se réjouissent tant que leur pays ait enfin une First Lady élégante qui cultive un goût pour les créateurs et la qualité de sa nation.

Pourquoi est-ce que j’ouvre cet article sur une digression consacrée à madame Peng et non à ces messieurs ? Les langues de vipères diront que c’est parce que nous sommes homonymes, ou encore qu’elle me rappelle ma propre mère. Elles ont tort. Peng Liyuan est racée et chic, voilà tout.

Même un Donald Trump, qui n’est pas particulièrement connu pour sa sympathie envers les femmes et son raffinement, ne peut nier ces qualités. Ou bien s’agit-il d’autre chose ?

Poli et accueillant

Pourquoi Donald Trump se comporta-t-il en parfait hôte maniéré lors de cette rencontre, alors qu’il intimida le premier ministre japonais Shinzo Abe par une poignée de main autoritaire de 19 bonnes secondes et qu’il refusa de tendre la main à la chancelière allemande Angela Merkel ?

Pourquoi Donald Trump se comporta-t-il en parfait hôte maniéré lors de cette rencontre, alors qu’il intimida le premier ministre japonais Shinzo Abe par une poignée de main autoritaire de 19 bonnes secondes et qu’il refusa de tendre la main à la chancelière allemande Angela Merkel ?

Il ne se contenta pas de souligner le ‘talent exceptionnel’ de la première dame, mais concocta un menus trois services certes classique, mais exquis : une salade césar suivie d’une sole poêlée ou d’un contre-filet pour conclure sur un gâteau au chocolat ou un sorbet. Le tout accompagné d’un Chardonnay et d’un Cabernet Sauvignon de Californie.

Toute la famille était au rendez-vous pour accueillir chaleureusement Xi et Peng.

Son gendre pro-Chine Jared Kushner, également haut conseiller de la Maison blanche, prit place aux côtés de Mme Peng, tandis que Steve Bannon se vit relégué à un siège éloigné du centre de la table.

Le grand amour que sa fille Ivanka voue à la Chine est de notoriété publique. Ses enfants, qui étudient le chinois, sont déjà capables de chanter des hymnes et de réciter (des extraits) de textes classiques dans la langue de Confucius.

Ce soft power si singulier plaît beaucoup aux Chinois. Malgré l’importante rivalité des deux puissances, Trump parla d’une ‘very, very great relationship’.

Humiliation et fascination

Cette déclaration ne signifie évidemment pas que les deux pays s’entendent maintenant à merveille, mais elle jette les bases d’un dialogue et d’une coopération pour les nombreux dossiers épineux sur la table.

Quel sens donner à ce virage à 180 degrés de Donald Trump ?

Plusieurs remarqueront que l’on peut s’attendre à tout de la part d’un électron libre tel que Trump. Et ils n’auront probablement pas tort. Pour ma part, je me risque à une autre explication, celle plus historique de la relation spéciale unissant les USA et la Chine.

Contrairement aux Britanniques “barbares”, aux Français “tyranniques” ou aux “pâles” Néerlandais, aux yeux des Chinois, les Américains semblaient honnêtes, purs, désintéressés de coloniser et de diviser leur empire.

Au cours du XIXème siècle, alors que les puissances étrangères ‘humiliaient’ la Chine, les États-Unis d’Amérique se distinguèrent des pays européens.

Contrairement aux Britanniques “barbares”, aux Français “tyranniques” ou aux “pâles” Néerlandais, aux yeux des Chinois, les Américains semblaient honnêtes, purs, et désintéressés de coloniser et de diviser leur empire.

Une forme d’affection réciproque prédominait entre les Américains – souvent des entrepreneurs et des missionnaires – et les Chinois.

Les seconds étaient fascinés par les possibilités offertes par l’immense territoire des premiers, non seulement pour le commerce mais aussi pour la géopolitique.

Les Américains faisaient preuve de respect envers les Chinois, bien qu’ils le fassent dans leur propre intérêt.

Il n’envoyaient pas leurs armées dans l’Empire du milieu et payaient sagement la note du thé, de la soie et de la porcelaine qu’ils importaient. Les Américains furent de plus d’une grande importance dans la modernisation de la Chine à l’aube du siècle passé.

Influence mutuelle

Ils introduisirent sciences, pensée critique, sport, industrie et législation dans la société chinoise de l’époque. Les femmes missionnaires condamnèrent les sombres pratiques misogynes comme l’infanticide féminin et le bandage des pieds.

Les jeunes intellectuels chinois eurent la chance de pouvoir étudier aux États-Unis grâce à des bourses de l’État. Ces échanges favorisèrent la renaissance intellectuelle chinoise des années vingt et trente.

Ces travailleurs chinois anonymes contribuèrent sensiblement à la construction de l’Occident

Réciproquement, les Chinois jouèrent eux aussi un rôle dans le développement des USA. À la moitié du XIXème siècle, de jeunes ouvriers chinois traversèrent l’océan Pacifique, en quête d’or et de bonne fortune. Tant et si bien qu’en 1860, les Chinois formaient le premier groupe de migrant sur le nouveau continent.

Ces travailleurs anonymes contribuèrent considérablement à la construction de l’Occident : ils étaient là pour drainer le fleuve Sacramento, ils étaient là aussi pour poser le premier chemin de fer transcontinental qui reliait l’est à l’ouest.

D’autres ouvrirent des magasins d’alimentation générale, des blanchisseries, des épiceries, des drogueries vendant des mélanges d’herbes médicinales, etc. En bref : tout ce dont une communauté a besoin pour survivre.

Relations sédimentées

Le magnat chinois Wu Xingjian fournit également à l’Occident les investissements nécessaires à son développement. L’homme le plus riche de la planète au XIXème siècle investit son capital dans les voies ferrées et l’immobilier américains.

La fascination outre-Atlantique pour la Chine portait sur différents aspects allant de la gastronomie, l’art, la poésie et le mysticisme à Anna May Wong (Wong Liu Tsong), la première actrice sino-américaine.

Cependant, surmontant l’exclusion et la discrimination, les Chinois s’accrochèrent à leur rêve américain et se construisirent une vie dans ce “Beau pays”, comme ils l’appellent dans leur langue.

Malgré son statut de star internationale, à mi-chemin entre une Joséphine Baker chinoise et une incarnation du rêve américain, sa carrière se limita à des rôles de fragile victime ou de femme-renarde malveillante.

La méfiance et le racisme envers les Chinois existaient dans la société américaine de l’époque, cela va de soi. Le zèle des migrants chinois n’était pas vu d’un œil favorable parmi les colonisateurs blancs.

Cependant, surmontant l’exclusion et la discrimination, ces Chinois s’accrochèrent à leur rêve américain et se construisirent une vie dans ce “Beau pays”, comme ils l’appellent dans leur langue.

L’assiduité à la tâche démontrée par les Chinois influença l’ethos de travail des colonisateurs occidentaux. Afin d’être à la hauteur de la concurrence, ils redoublèrent d’effort au travail.

Souvent, nous sous-estimons l’importance de l’histoire, qui nous enseigne l’origine des “relations sédimentées” entre les peuples, qui nous explique en partie pourquoi nous ressentons ce que nous ressentons, pensons ce que nous pensons et faisons ce que nous faisons.

Peut-être la fascination chinoise de la famille Kushner-Trump s’inscrit-elle par l’intermédiaire d’Ivanka dans le tableau des relations sédimentées et stratifiées que je viens de vous dresser.

Traduction : Marie Gomrée

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Over de auteur

  • Antropologe

    Ching Lin Pang is antropologe verbonden met Universiteit Antwerpen en KU Leuven. Met een open blik bestudeert ze de hedendaagse ontwikkelingen in Azië met een focus op China.

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