Etienne Tshisekedi: l'espoir périra-t-il avec l'homme?

Le légendaire chef de l’opposition congolaise, Etienne Tshisekedi, s’est éteint à 84 ans dans un hôpital de Bruxelles. MO* s’est entrenu avec Kris Berwouts, expert du Congo, à propos du parcours et de l’importance politiques du chef de l’opposition. ‘C’était un combattant légendaire, mais il n’a jamais vraiment pu l’emporter.’

  • VoteTshisekedi (CC BY 2.0) Etienne Tshisekedi VoteTshisekedi (CC BY 2.0)
  • VoteTshisekedi (CC BY 2.0) Etienne Tshisekedi (2011) VoteTshisekedi (CC BY 2.0)
  • VoteTshisekedi (CC BY 2.0) VoteTshisekedi (CC BY 2.0)
  • © Kris Berwouts Kris Berwouts en conversation avec Etienne Tshisekedi © Kris Berwouts

La mort d’Etienne Tshisekedi (né en 1932 au Kasaï) survient politiquement à une mauvaise période :  de nombreux efforts sont en effet actuellement déployés pour garantir une transition de l’ère Kabila vers des élections libres. Ces dernières, suite à un accord avec l’opposition, devraient avoir lieu dans le courant de l’année. L’une des principales questions que soulève la disparition du “sphinx”, comme on appelait Tshisekedi en RDC, porte sur la capacité d’une opposition, décapitée par la perte de cette figure historique, à faire respecter les engagements pris à la fin de 2016.

Kris Berwouts, expert indépendant sur l’Afrique centrale et membre de l’Académie MO*, nous donne quelques explications juste avant de monter dans l’avion pour Kinshasa. ‘Je suis d’abord attristé et inquiet’, dit Berwouts. ‘Etienne Tshisekedi a incarné les espoirs du peuple congolais en une véritable démocratie pendant quarante ans. Il incarnait pour beaucoup l’espoir en l’avenir. Cet homme, ce monument, n’est plus parmi nous, et cela me rend triste, comme beaucoup de congolais. Il avait en outre un rôle très important à jouer dans la transition vers de nouvelles élections et dans l’optique d’un  changement politique. Il avait été nommé président du Conseil National de Suivi de l’Accord (CNSA), qui supervisera la bonne application de l’Accord de la Saint Silvestre de l’année dernière. Le fait qu’il ne soit plus là me préoccupe pour l’avenir de ce processus, car cela modifie le rapport de force à la fois dans son propre parti et au sein de l’opposition, mais aussi entre l’opposition et la majorité.’

Etienne Tshisekedi a fait une longue carrière politique. Il incarnait l’espoir, dites-vous, mais il n’a jamais réussi à le réaliser.

Kris Berwouts: Tshisekedi a commencé sa carrière en étant l’un des piliers du maréchal Mobutu Sese Seko. Mais en 1980 il a publié, en collaboration avec 13 autres représentants du peuple, une lettre ouverte qui s’avérait très critique à l’égard de Mobutu. Le président a répondu en lui ôtant son mandat politique et en le privant de ses droits civiques et politiques pour cinq ans. Mais cela ne l’a pas freiné, puisque le 15 février 1982, il fonde l’UDPS, devenu le principal parti d’opposition. Ce fut le début d’une longue période d’arrestations, de détentions, de résidences surveillées et d’autres formes de persécution.

Ce n’est qu’en 1990, lorsque Mobutu abolit le système à parti unique, que Tshisekedi peut à nouveau travailler ouvertement. L’UDPS est formellement enregistrée en 1991, et en 1992 Tshisekedi est élu premier ministre par la Conférence Nationale Souveraine, un organe politique comptant 2.000 représentants de toutes les régions, secteurs sociaux et tendances politiques. Mobutu n’a jamais vu cette nomination d’un bon œil, et démet Tshisekedi de ses fonctions en 1993.

Durant la période 1994-1997, une guerre majeure fait rage au Congo, qui aboutit à la chute de Mobutu. Tshisekedi n’a néanmoins jamais pris contact avec les rebelles, menés par Laurent Désiré Kabila et soutenus par le Rwanda et l’Ouganda, et il n’a donc joué aucun rôle dans la composition du nouveau gouvernement. Il refait cependant surface en 2002, pendant les négociations en Afrique du Sud visant à mettre fin aux insurrections et aux conflits armés. Quand il apprend qu’il n’aura pas le poste de vice-président, il refuse de signer l’accord. Ses tentatives de négocier par la suite avec le groupe rebelle RCD ont été peu appréciées dans l’est du Congo.

‘Il sera aussi toujours l’homme qui n’aura pas réussi, ni dans les années 90 ni dans les années 2000, à transformer la haute estime que lui porte la population en véritable pouvoir’

L’UDPS n’a ensuite pas participé aux élections de 2006, mais a opéré un retour sur la scène politique en 2011. Pour différentes raisons, dont l’absence d’accord avec d’autres partis ou personnalités de l’opposition, Tshisekedi ne parvient pas à battre Kabila. Il était lui-même convaincu que sa défaite était uniquement due à des fraudes massives. Se considérant comme le président légitimement élu, il essaye, en vain, de persuader les députés de l’UDPS de boycotter le Parlement.

Et pourtant, c’est Etienne Tshisekedi qui a réuni l’opposition congolaise en exil et basée au Cogon, en 2016, à Genval, pour organiser la résistance à l’extension rampante de la présidence de Kabila.

Kris Berwouts: A cette époque, il est rentré à Kinshasa, après une longue période d’absence. Il devient alors de nouveau incontournable. Au même moment, la concurrence au sein de l’UDPS a de plus en plus joué, ainsi que dans l’opposition en général, ce qui ne facilite pas la tâche pour envoyer un message clair à la population. Le gouvernement a en outre montré beaucoup d’habileté à parfaire et à utiliser toutes ces divisions internes.

La lutte pour la succession pourrait bientôt vraiment éclater. Mais de quelle manière les gens vont-ils se souvenir d’Etienne Tshisekedi?

Kris Berwouts: Comme quelqu’un qui s’est opposé avec courage et ténacité aux abus de pouvoir. Il était un combattant légendaire, mais il n’a jamais pu l’emporter vraiment. Je pense qu’on se souviendra surtout de Tshisekedi comme du jeune homme politique qui osa s’opposer à Mobutu. Comme de l’homme qui, en dépit des arrestations, tortures, traitements psychiatriques et autres diabolisations sociales, a réussi à créer un parti de masse d’envergure nationale, et ce dans un pays sans réseau routier opérationnel et sans avoir eu accès aux médias. Mais il sera aussi toujours l’homme qui n’aura pas réussi, ni dans les années 90 ni dans les années 2000, à transformer la haute estime que lui porte la population en véritable pouvoir.

Traduction: Frank Willems & Thibaud Kurtz

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